Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé que le collectif budgétaire ne comprendrait aucune dépense nouvelle, au delà de 1.000 postes supplémentaires pour l'éducation nationaleCopyright Reuters
Ivan Best
La politique économique se définit
plus que jamais sous contrainte. Le collectif budgétaire, présenté début
juillet, prévoira une série de taxes sur les entreprises. Notamment une
imposition des dividendes distribués à hauteur de 3%
François Hollande a
désormais les mains libres, selon l'expression consacrée, les ministres
ne sont plus en campagne: l'exécutif entre dans le vif du sujet. C'est
peu dire que l'equation économique française est complexe , dans une
situation de récession ou presque qui s'accompagne de fortes pressions
pour rétablir l'équilibre budgétaire.1 la France est-elle en récession ?
Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a annoncé une révision des chiffres de croissance (la prévision du gouvernement sortant était de +0,7%). Il est évident que ce chiffre sera revu à la baisse, compte tenu de la situation : Laurence Parisot n'a rien inventé, quand elle dit que l'économie plonge depuis un mois ou deux. Il suffit de jeter un œil sur les enquêtes réalisées par l'Insee auprès des chefs d'entreprise pour s'en convaincre. Dans l'industrie et ailleurs, les perspectives d'activité se dégradent avec les carnets de commande. Voilà pourquoi la Banque de France estime désormais que le PIB pourrait reculer au cours de ce deuxième trimestre. Techniquement, il suffit de deux trimestres de baisse de l'activité pour qualifier la situation de « récession ». Or la situation se dégrade partout en Europe, y compris, désormais, en Allemagne. Le risque est donc élevé de voir se succéder les trimestres négatifs.
2 le gouvernement peut-il relancer la croissance ?
Fin 2008, quand tous les gouvernements de tous les pays industriels avaient décidé de relancer, plus ou moins, leurs économies, la réponse était évidemment oui. Aujourd'hui, sous l'influence de l'Allemagne et de la crise européenne, face à un endettement public colossal, l'heure est au contraire au tour de vis budgétaire. Les partisans d'un soutien à la croissance via des réformes structurelles savent pertinemment que celles-ci ne donneraient pas de résultats à court terme. Pour qu'elles fonctionnent, il faudrait du reste qu'elles soient accompagnées d'une politique conjoncturelle accommodante. Impensable aujourd'hui.
Quant aux réformes structurelles à la « sauce hollandaise », telle que la création d'une banque publique d'investissement, elles ne peuvent évidemment pas porter leurs fruits à court terme.
3 Va-t-il augmenter le smic ?
C'était une promesse de François Hollande, et un gouvernement de gauche peut difficilement s'y soustraire : un coup de pouce va être donné au smic. Celui-ci serait annoncé le 26 juin, pour mise en œuvre le premier juillet. Ce coup de pouce, au-delà de la revalorisation automatique, qui a désormais lieu le premier janvier de chaque année, risque d'être très symbolique: le gouvernement a fait part de son inquiétude quant à la situation des entreprises, dont les marges sont, il est vrai, en forte baisse. En 2011, elles n'avaient jamais été aussi faibles depuis 2005. Donc, il ne faut pas compter sur la hausse du smic pour soutenir la consommation cet été...
4 Peut-il inverser la courbe du chômage ?
La façon la plus simple de faire baisser le chômage serait d'obtenir plus de croissance et de relancer ainsi les créations d'emplois dans le secteur privé. Cette piste étant impraticable, compte de la situation européenne, reste le traitement social du chômage. Michel Sapin a annoncé une rallonge de 80.000 emplois aidés (dans les collectivités locales, surtout) pour le second semestre. Cela risque de ne pas être à la hauteur de l'enjeu. Il faut donc s'attendre
5 Les plans sociaux vont-ils être vraiment encadrés ?
Une proposition de Ségolène Royal, consistant à interdire les « licenciement boursiers » dans les entreprises de plus de 250 salariés, pourrait ressortir des cartons. Ainsi, des suppressions de postes destinées seulement à accroître la rentabilité ne pourraient plus être assimilés à des licenciements économiques. Un autre texte en attente pourrait être réactivité, c'est celui déposé en février par un député PS qui porte le nom de... François Hollande. Il s'agit là d'interdire les fermetures de sites, ou tout au mois d'imposer la recherche d'un repreneur.
En tout état de cause, il ne faut pas oublier que les licenciements économiques sont à l'origine de.... 3% des inscriptions à Pôle Emploi. L'immense majorité des nouveaux inscrits le sont après la fin d'un CDD ou d'un contrat d'intérim.
6 Les impôts seront augmentés, mais de combien ?
Contrairement à ce qui est souvent affirmé par les élus de l'ancienne majorité, le programme fiscal de François Hollande est connu et précis. Diffusé dès la fin janvier, il prévoit 29 milliards d'euros de hausses d'impôts uniquement destinées à rétablir les comptes publics, dont 18 milliards sur les entreprises et le reste sur les ménages à hauts revenus (à quelques exceptions près, comme la fin de la détaxation des heures supplémentaires). 15 autres milliards, finançant le programme, seraient en outre payés, aussi, par les entreprises.
Le hic,c'est que ce programme risque d'être insuffisant, dans la perspective affichée par le gouvernement d'une baisse du déficit plus élevée que prévu : la tendance est actuellement de 5% du PIB pour 2012, et François Hollande s'engage à la ramener à 4,5% puis 3% en 2013. Il faut donc trouver un demi point de PIB (soit 10 milliards) dès cet été, dans le cadre du collectif budgétaire, sur lequel le gouvernement travaille actuellement, pour une présentation le 4 juillet en conseil des ministres.
Même si, in fine, cet objectif d'un déficit ramené à 3% du PIB en 2013 ne pourra être atteint : la marche est trop haute, vouloir la franchir à tout prix précipiterait l'économie française dans une franche récession, qui ne ferait qu'accroître le déficit.
7 Les classes moyennes vont-elles payer ?
C'est a priori exclu... dans l'immédiat. Le redressement des comptes aura lieu « sans austérité » répète le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici. Des exceptions à cette règle sont toutefois prévues, qui pourraient toutefois être discutées. Ainsi, le projet de François Hollande prévoyait de soumettre la totalité de l'épargne salariale à cotisations sociales. L'argument des experts PS était simple : les entreprises paieront. Mais le risque était grand de voir cette épargne distribuée se réduire comme peau ce chagrin, les employeurs donnant plus aux Urssaf et moins aux salariés. Du coup, le gouvernement envisagerait une potion moins amère, se contentant d'augmenter le forfait social, soit une taxation d'une dizaine de pourcents.
Au-delà de cet été, la question sera posée du recours à un prélèvement à la rentabilité élevée pour les comptes publics, de type CSG. Alors, par définition, tout le monde paierait...
8 Les entreprises seront-elles les premières mises à contribution ?
De fait, les nouveaux prélèvements pesant sur elles s'élèveraient au total à près de 45 milliards d'euros, soit de 2,2 points de PIB, d'ici la fin 2013. Un véritable choc fiscal...Imaginé au début de l'année, quand la croissance paraissait devoir repartir avant qu'on ne connaisse l'ampleur de la dégradation des comptes des entreprises, il paraît aujourd'hui hasardeux, voire dangereux.
Le gouvernement avance l'idée qu'il s'agit surtout de prélever sur les grands groupes : les taxes envisagées auraient donc peu impact sur l'économie. Ainsi, les entreprises seraient taxées à hauteur de 3% sur les dividendes versées aux actionnaires, selon les Echos.
9 Les dépenses publiques vont-elles être diminuées ?
Le collectif budgétaire du 4 juillet prévoira des économies, ne serait-ce que pour compenser la création de 1.000 postes supplémentaires à la rentrée dans l'éducation nationale, a annoncé Jean-Marc Ayrault. Le chef du gouvernement a précisé que ce serait là la seule dépense nouvelle. Au-delà, des annulations de crédits peuvent théoriquement avoir lieu. Mais elles sont délicates en cours d'année. D'autant que Jean-Marc Ayrault entend privilégier la concertation avec les ministres. Les économies sur les crédits seront donc, en juillet, homéopathiques. A plus long terme, François Hollande veut ramener à 1% la hausse annuelle des dépenses publiques, contre 2% tendance. Soit une économie annuelle de plus de 10 milliards d'euros.
10 Les promesses seront-elles annulées?
François Hollande n'a pas tant promis, en matière économique. On le voit mal revenir sur le décret retraites qui vient d'être annoncé, ou sur l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, financée par une restriction du quotient familial, au-delà de six fois le smic.
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20120618trib000704498/10-questions-a-un-gouvernement-qui-a-les-pleins-pouvoirs.html
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