Mots clés : Taxe à 75%, Hauts revenus, Riches, Immobilier, Impôt, Exil fiscal, Londres
Par Sophie Amsili Mis à jour | publié Réactions (24)
Par Sophie Amsili Mis à jour | publié Réactions (24)
Londres est déjà considérée comme la sixième ville de France par son nombre d'habitants. Crédits photo : Kirsty Wigglesworth/ASSOCIATED PRESS
Les Français sont plus nombreux à rechercher en ligne des propriétés londoniennes, notamment celles de grande valeur.
David Cameron n'a pas besoin de faire du pied aux Français. Tandis que le premier ministre britannique annonce un «tapis rouge» aux entreprises hexagonales qui souhaitent échapper à la taxe à 75% promise par François Hollande, les agences immobilières londoniennes constatent, elles, un nombre grandissant de clients français désireux de s'installer dans la capitale britannique.Avec une communauté française qui ferait d'elle la sixième ville de France par son nombre d'habitants, Londres continue en effet d'attirer de nouveaux Français. Mais depuis quelques mois, une nouvelle tendance s'installe, selon le cabinet de conseil en immobilier britannique Knight Frank: ce sont les ultra-riches qui, comme les Italiens, les Grecs, et les Espagnols songent à un exil fiscal. Et multiplient les recherches en ligne concernant des propriétés londoniennes de grande valeur depuis le début de l'année. «Nous constatons une forte augmentation de l'intérêt des investisseurs français qui cherchent à déménager rapidement avant que la nouvelle taxe sur le revenu proposée par Hollande n'entre en vigueur», affirme ainsi Liam Bailey, directeur de la recherche en immobilier résidentiel chez Knight Frank.
Depuis janvier, les recherches de propriétés londoniennes par des Français sur le site de Knight Frank ont progressé de 32%. C'est plus que les Allemands (+16%) et les Grecs (+13%) mais moins que les Italiens(+51%), les Portugais (+48%) et les Espagnols (+63%).
+30% pour les biens valant plus de 5 millions de livres
Mais les Français se distinguent par le prix des biens recherchés. Knight Frank a enregistré une augmentation de 19% des recherches en ligne de Français intéressés par des appartements dans les quartiers les plus chers de Londres. À l'inverse, les recherches pour les mêmes propriétés par d'autres Européens se sont repliées de 9%.Les chiffres de Knight Frank montrent même que plus le prix du logement est élevé, plus les internautes français se pressent: les recherches ont ainsi progressé de 10,9% pour les appartements vendus entre 1 million et 5 millions de livres (1,2 million à 6 millions d'euros). Elles grimpent de 30% pour les biens proposés à plus de 5 millions de livres. En revanche, les appartements à moins de 1 million de livres accusent presque le même désintérêt de la part des Français que des autres Européens...
Cependant, pour l'agence immobilière londonienne Marsh & Parsons, tous les Français désireux de déménager à Londres ne sont pas des ultra-riches: «Les recherches sur notre site en provenance de France ont augmenté d'environ 20 à 25% mais nous n'avons pas encore vu d'impact sur les ventes. Il ne s'agit pas seulement de personnes à hauts revenus qui cherchent à déménager à Londres, mais aussi de jeunes gens avec des salaires plus modestes.»
Marsh & Parsons relativise également l'impact de la taxe à 75%: «L'ouverture d'écoles françaises dans des quartiers près de Kensington et Chelsea, comme à Fulham et Chiswick, signifie que de nouveaux Français vont s'intéresser à Londres. Et pas nécessairement à cause des projets de taxation des riches en France.»
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Heureux comme un Français à Londres
INFOGRAPHIES - Ils ont fait leur vie dans la capitale britannique, apprécient son dynamisme économique et sa qualité de vie. Ils témoignent.
«Londres est désormais la sixième ville de France», s'était amusé Nicolas Sarkozy à l'occasion de sa visite d'Etat en Grande-Bretagne en 2008. Avec une population estimée entre 300.000 et 400.000 personnes, la communauté française est devenue en quelques années l'une des plus importantes minorités étrangères de la capitale britannique. En dépit de la crise financière qui a ébranlé la City et durement touché l'économie du royaume, Londres semble attirer toujours autant les Français, qui sont de plus en plus nombreux à monter dans l'Eurostar pour traverser la Manche. «Nous n'avons enregistré aucune baisse du nombre d'inscrits sur nos listes pendant et après la crise», assure Edouard Braine, consul général de France à Londres, dont les bureaux sont installés à South Kensington, le quartier au cœur de la vie tricolore, avec ses cafés et librairies françaises fièrement installés autour du lycée Charles-de-Gaulle.
Malgré le départ de nombreux Français après la chute brutale de Lehman Brothers, fin 2008, les nouveaux arrivants ont plus que compensé les départs. Finalement, la crise n'a pas fondamentalement remis en cause les raisons de la formidable attractivité de la capitale anglaise: une ville qui bouge, ouverte sur le monde et dotée d'un marché du travail hyperflexible.«On a ici l'opportunité unique de pouvoir travailler avec tous les pays et toute l'Europe de la finance», apprécie Laurent Féniou, élégant banquier dans la très discrète banque d'affaires Rothschild, qui a trouvé à Londres la carrière internationale dont il avait toujours rêvé depuis son enfance à Narbonne. Pour Stephan Caron, ancien champion de natation qui a parfaitement réussi sa reconversion professionnelle dans la finance après les JO de Barcelone, s'installer à Londres fut presque une évidence: «J'ai travaillé au départ dans quelques banques à Paris, mais c'est encore loin du niveau de la City, explique-t-il. C'est aussi beaucoup plus facile de travailler ici, car les Anglo-Saxons sont beaucoup plus décomplexés par rapport à l'argent.» Il tient en revanche à infirmer l'idée fausse selon laquelle on paie moins d'impôts en Angleterre qu'en France. Avec l'absence de quotient familial et un taux d'imposition sur le revenu de 50% pour les plus riches, de nombreuses familles françaises paient des impôts plus lourds en Grande-Bretagne.
Mais si la City joue encore un rôle majeur dans l'économie britannique, l'attractivité de Londres dépasse de loin le seul domaine de la finance. «A Londres, on a toujours l'impression que quelque chose va se passer et qu'on va être surpris. On y trouve la diversité et la richesse ethniques, culturelles et intellectuelles de New York, mais tout en étant à proximité de l'Europe», apprécie Raphaëlle Khan, jeune étudiante parisienne de 24 ans, qui vient de finir son master d'affaires européennes à la London School of Economics. Crise ou non, c'est en Angleterre qu'elle a décidé de chercher son premier emploi. Elle sait que le marché du travail est beaucoup plus ouvert qu'en France et que ses études plutôt spécialisées ne devraient pas l'empêcher de trouver des postes assez variés. «Les Anglais ne sont pas très attachés aux intitulés des diplômes, ils s'intéressent beaucoup plus à l'expérience», explique-t-elle.
Un constat que confirme à 100% Clémence de Crécy, une jeune Française qui a créé avec succès sa propre entreprise de relations presse à Londres. «Après un peu moins d'un an d'expérience dans la communication en Angleterre, j'ai postulé pour des postes de chef de projet en France, raconte-t-elle. Mais on ne m'a proposé que des stages ou des postes très juniors, je suis donc restée en Grande-Bretagne, où on m'a donné ma chance.» Comme bien des Français expatriés, cette jeune entrepreneuse déplore le poids des charges salariales et les lourdeurs administratives dans son pays d'origine. «Quand j'ai voulu ouvrir une structure à Paris, en 2009, ça m'a pris trois mois, alors que pour créer mon entreprise en Angleterre, j'avais tout fait sur internet en vingt-quatre heures», témoigne-t-elle. Totalement intégrée dans la vie londonienne, elle n'envisage plus de rentrer en France comme 30% des personnes interrogées dans notre sondage.
Eric Chemla, chirurgien installé à Londres depuis 2002, est encore plus critique sur les archaïsmes et les lourdeurs du système français. «Je me suis heurté à la politique de nomination dans les hôpitaux français, ça ne marchait que par réseau, connexions et copinage», se souvient-il. Ecœuré par «les vacations payées 11000francs par mois» qu'on lui proposait dans un important hôpital public parisien, à 34 ans, avec une spécialité de chirurgien vasculaire, il a répondu à une offre d'emploi anglaise sur internet. Sélectionné en 2002 «au terme d'une procédure d'embauche très carrée, très transparente», il devient chirurgien au St George's Hospital, un grand établissement public dans le sud-ouest de la capitale. Neuf ans plus tard, il dirige un tiers des services de l'hôpital, soit plus de 2 000 personnes. «Ils m'ont donné ma chance, et je leur serai reconnaissant à vie», déclare-t-il avec une émotion sincère. Symbole de sa volonté d'intégration, il a acheté une jolie maison dans l'un des très nombreux quartiers résidentiels de la capitale, a pris la nationalité britannique et a inscrit ses trois enfants dans le système scolaire britannique. «Jamais je ne retournerai en France pour travailler. Jamais!» affirme Eric.
«Je suis arrivé en 1991 pour apprendre l'anglais et j'avais l'intention de rester un an», explique Thierry Tomasin avec un bel accent du Sud-Ouest. Vingt ans après avoir démarré comme simple commis serveur, cet ancien joueur de rugby s'est imposé comme l'un des meilleurs sommeliers de Grande-Bretagne et est désormais le patron de son propre restaurant, l'Angélus, qu'il a ouvert en 2007 dans le quartier chic de Bayswater, au nord de Hyde Park. «Je ne pense pas que j'aurais pu faire ça en France, estime-t-il. En Grande-Bretagne, on donne à celui qui en veut et qui travaille dur la possibilité de réussir. En France, il faut attendre que quelqu'un meure ou parte à la retraite pour prendre sa place.» Avec des étincelles dans les yeux, le Gascon qui a grandi à Beaumont-de-Lomagne raconte comment son parcours l'a amené à «servir la reine Elisabeth lors d'un dîner privé» et «à faire la cave personnelle de Brad Pitt».
Et si la majorité des Français sont venus en Angleterre pour des raisons professionnelles, ils sont aussi nombreux à trouver que la qualité de vie peut y être excellente. «Au départ, je n'avais aucune envie de quitter Paris, que j'adorais, explique Charlotte du Jour, illustratrice et mère de trois enfants, qui a dû suivre son mari, J'avais une image terne et triste de Londres, qui s'est révélée complètement fausse. J'apprécie les très nombreux espaces verts, la propreté générale et le fait que les gens sont respectueux, moins agressifs qu'à Paris.» Elle avoue tout de même que l'intégration n'a pas été facile, notamment à cause de son niveau d'anglais, et qu'il lui a fallu deux ans pour apprécier son nouveau lieu de vie.
Même constat pour le rugbyman Serge Betsen, qui a quitté Biarritz en 2008 pour terminer sa brillante carrière au club londonien des Wasps. «J'avais fait le choix de venir en Angleterre à la fois pour découvrir le rugby anglo-saxon et pour apprendre la langue, que je considérais comme indispensable pour préparer mon après-rubgy, explique l'ancien troisième-ligne de l'équipe de France, âgé de 37 ans. Au quotidien, avec ma femme et mes deux enfants, ça n'a pas été évident, et cela nous a demandé beaucoup de détermination et de patience pour nous intégrer.» Attablé à la terrasse ensoleillée d'un café près de son domicile d'Ealing, dans l'ouest de Londres, Serge Betsen paraît désormais heureux, et prend plaisir a dénoncer un cliché tenace. «Tout ce que l'on m'avait dit sur le mauvais temps londonien est faux, s'amuse-t-il. Ici, il pleut beaucoup moins qu'à Biarritz!»
Clémence de Crécy
Chef d'entrepriseStephan Caron
Banquier, ancien champion de natationRaphaëlle Khan
Jeune diplôméeThierry Tomasin
Restaurateur, patron de l'AngélusCharlotte du Jour
Dessinatrice, www.charlottedujour.comEric Chemla
Chirurgien» DOSSIER SPÉCIAL - Kate et William, le guide pratique
» DOSSIER MON FIGARO SELECT - 2011, l'année des mariages princiers
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