Shailendra Mehta, professeur à l'IndIan InstItute of ManageMent (Ahmadâbâd, état du Gujarat, Inde).
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05/07/2012, 16:52 - 1012 mots
Qu'est-ce qui fait le succès des universités américaines, toujours
premières au classement Shanghai Jiao-Tong des meilleurs établissements
du monde ? Leurs anciens élèves, répond Shailendra Mehta, directeur
académique de Duke Corporate Education et professeur à l'Indian
Institute of Management.
En fait, les universités américaines ont atteint leur niveau d'excellence rapidement et massivement, bien avant que les facteurs de succès identifiés par Rosovsky, Aghion, Dewatripont et d'autres ne fassent partie du contexte américain. Par exemple, les mécanismes de financement à grande échelle des centres de recherche n'ont été mis en place qu'au moment de la Seconde Guerre mondiale. Il est intéressant de noter que, lorsque Rockefeller a voulu créer une grande université, il ne s'est pas inspiré d'Oxford ni de Cambridge, qui étaient des modèles traditionnels de l'époque coloniale, mais de Harvard, qui avait, à l'époque déjà, une réputation d'excellence. D'autre part, les grands savants qui avaient fui l'Allemagne de Hitler ont choisi les universités américaines parce qu'elles étaient déjà célèbres. Albert Einstein n'a pas rendu Princeton célèbre, s'il a choisi Princeton et son Institute of Advanced Studies, c'est parce que l'université était déjà très connue, qu'il y avait déjà donné des conférences et qu'elle lui avait déjà décerné un titre de docteur honoraire.
Quel est donc le facteur clé qui a permis aux universités américaines, tout particulièrement Harvard, de se hisser aux premiers rangs des établissements d'enseignement supérieur et aux universités de fondation récente d'atteindre, voire de dépasser, le niveau et la notoriété d'universités beaucoup plus anciennes ? Il faut ici souligner le rôle décisif joué par le réseau des anciens élèves.
Ces succès sont le fait d'une innovation qui a consisté à confier le contrôle de la gestion à un conseil d'administration composé dans une proportion plus ou moins large d'anciens élèves qu'on désigne par le mot latin alumni.
C'est ce dispositif qui a permis tout à la fois d'assurer à ces universités autonomie, vision, financements généreux et sérénité. Le rôle de ces anciens élèves au conseil d'administration a été peu étudié jusqu'à présent, bien que le rôle des administrateurs indépendant ait déjà été mis en lumière en particulier par Rosovsky. Et il est vrai que les administrateurs d'écoles américaines sont effectivement indépendants et qu'ils servent souvent de tampon entre l'école et le politique, par exemple.
Le pourcentage donné dans le tableau indique la proportion des anciens élèves qui siègent au conseil d'administration de leur université. À une exception près, cette proportion est partout supérieure à 50 %, elle est à 100 % dans trois des cinq premières du classement, les deux autres dépassant les 90 %. En d'autres termes, 19 sur 20 des meilleures universités américaines sont entièrement entre les mains de leurs anciens élèves ! Ce sont également des établissements à but non lucratif. On peut conclure que c'est la combinaison de ces deux facteurs qui assure durablement la permanence de l'excellence.
Cela est vrai aussi pour les 100 premières universités. La richesse et la notoriété d'une université sont directement corrélées à l'importance de la part prise par les alumni dans sa gestion. Ce constat vaut pour tous les établissements, qu'ils soient privés ou publics, confessionnels ou non. Ce système a été inauguré par l'État du Massachusetts qui, en 1865, a pour la première fois officiellement confié la gestion de son université aux alumni - Harvard était donc jusque-là une université d'État ! Harvard a rapidement atteint un niveau international d'excellence tel que de nombreuses universités américaines, privées et publiques se sont empressées d'adopter le même système de gestion.
Il est intéressant de noter que les États-Unis ont emprunté à l'Europe cette forme de gouvernance à but non lucratif (institutions philanthropiques) en y infusant une dimension de compétition. Le modèle est fondé sur le principe qui veut qu'on donne le contrôle à ceux qui tiennent le plus à l'institution, en l'occurrence à ses anciens élèves qui ont ensuite à cœur de mettre les élèves et les professeurs en concurrence, qui veillent aussi bien aux installations qu'aux cursus et à la recherche. Dans cette logique, ils sont responsables du financement qui permet d'atteindre l'ensemble de ces objectifs d'excellence. Toutes ces responsabilités sont symbolisées par une « peau de mouton » dont ils se revêtent symboliquement toute leur vie !
Curieusement, le processus de contrôle par les alumni n'a été repris par aucun pays, pas même le Canada. Il mériterait pourtant d'être plus connu, et que d'autres pays s'en inspirent. &
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*Why Reform Europe's Universities ? Par Philippe Aghion, Mathias Dewatripont, Caroline Hoxby, Andreu Mas-Colell et André Sapir. Bruegel, sept. 2007.
http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20120705trib000707587/pourquoi-les-universites-americaines-dominent-elles-les-classements-.html
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