mardi 3 juillet 2012

Journée noire pour l'emploi

Le Point.fr - Publié le 03/07/2012

Que ce soit dans le secteur des télécoms, de l'informatique ou de l'automobile, les mauvaises nouvelles pleuvent pour les salariés.

Manifestation contre la fermeture du site d'Aulnay le 28 juin à Paris devant le siège de PSA. Manifestation contre la fermeture du site d'Aulnay le 28 juin à Paris devant le siège de PSA. © Bertrand Guay / AFP
SFR, deuxième opérateur télécoms français, a lancé mardi sa réorganisation stratégique visant à contrer l'arrivée fracassante de Free Mobile sur le marché et annoncé lors d'un comité central d'entreprise (CCE) qu'il présenterait en novembre un plan de départs volontaires. Mardi se tient également un CCE de son concurrent Bouygues Télécom, qui pourrait présenter des mesures similaires aux représentants syndicaux.
Dès le mois de mars, Jean-Bernard Lévy, à la tête de Vivendi (maison mère de SFR), avait annoncé sa volonté de resserrer les boulons dans la gestion de SFR. Son P-DG, Frank Esser, en avait été la première victime et avait quitté ses fonctions le 26 mars. Alors que SFR avait déjà souffert en 2011, avec un recul de plus de 3 % des ventes lié à la majoration de la TVA dans les télécoms, l'arrivée de Free (Iliad) et sa politique de bas coûts lui ont porté un coup supplémentaire en attisant la guerre des prix. À la mi-mai, SFR avait ainsi indiqué avoir perdu 274 000 abonnés mobiles au premier trimestre 2012.
Du côté de Bouygues Télécom, le tableau n'est pas tellement plus rose : le troisième opérateur français a perdu 379 000 clients mobiles au premier trimestre 2012 en raison de l'arrivée de Free Mobile, et a vu son bénéfice chuter de 34,2 % sur un an, à 59 millions d'euros. Il a annoncé fin février un plan d'économies de 300 millions d'euros, mais qui devrait porter ses fruits à partir de 2013 seulement. Au printemps, l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) a estimé que l'arrivée de Free pourrait détruire jusqu'à 10 000 emplois chez ses concurrents, tandis que la fédération FO parle de 30 000 à 60 000 emplois directs ou indirects menacés.

Fatalisme chez Hewlett-Packard

À Grenoble, les syndicats ont réagi avec fatalisme à l'annonce du géant américain de l'informatique de supprimer 520 postes dans l'Hexagone d'ici à 2014. "Les difficultés cycliques de l'entreprise commencent à peser sur ceux qui restent, même si l'ambiance est plutôt sereine puisqu'il n'y a pas de licenciements et que les annonces sont plutôt floues sur les personnes concernées par le plan de restructuration", a réagi Jean-Luc Dye, délégué CFDT d'HP France à Grenoble, deuxième plus gros site français du groupe. Un sentiment partagé par la déléguée CGT, Myriam Martinet, qui se dit "favorable" à ce plan de préretraites qui ne prévoit pas de licenciements secs, même si elle restera "très attentive aux conditions de départ" .
Lundi, la direction d'HP a annoncé la suppression de 520 postes en France "uniquement sur la base de départs volontaires et d'un dispositif exclusif de préretraites" d'ici à 2014. Elle se fait dans le cadre d'un plan de réduction d'effectifs mondial prévoyant la disparition de 27 000 emplois d'ici au 31 octobre 2014, afin de soutenir le redressement du groupe.
L'Isère, où travaillent 2 000 des quelque 5 000 salariés français du groupe, devrait être particulièrement touchée. Depuis 2001, le site grenoblois, qui emploie 90 % de cadres opérant dans le domaine du marketing, des achats et des logiciels, a subi cinq plans de licenciements en "2001, 2003, 2006, 2009, 2012", énumère Myriam Martinet. "Cela fait longtemps que la matière grise ne reste plus dans les pays occidentaux. Aujourd'hui la direction n'hésite plus à délocaliser les postes d'ingénieurs dans les pays de l'Est, l'Inde ou la Chine", regrette la syndicaliste. "C'est pour ceux qui restent et récupèrent la charge de travail que c'est le plus dur. Sans compter les nombreux changements d'organisation que cela induit", ajoute Jean-Luc Dye.

Stupeur à PSA

Dans le même temps un délégué syndical Force ouvrière de PSA Peugeot Citröen a suscité l'émoi en évoquant la possibilité que la direction alourdisse un plan de suppression de postes à 8 000 à 10 000 emplois, les autres syndicats du constructeur se montrant mardi réservés sur ces chiffres.
Lundi, Christian Lafaye, délégué du deuxième syndicat chez PSA, a estimé que la direction pourrait à l'occasion d'un CCE extraordinaire prévu le 12 juillet "mettre sous les yeux" des syndicats un "plan" de réduction de "8 000 à 10 000 postes", via des suppressions, redéploiements et départs volontaires. Soit bien plus que les 4 000 suppressions déjà annoncées pour 2012 en novembre 2011. Il a expliqué mardi à l'AFP que "des gens très spécialistes chez PSA" l'avaient "aidé à arriver à ce chiffre-là", assurant ne pas avoir "la compétence pour mettre cette fourchette au grand jour".
Pour lui, si on envisage la fermeture du site d'Aulnay (Seine-Saint-Denis), qui compte 3 300 salariés, des suppressions d'effectifs de l'ordre de 1 200 postes à Rennes, de 600 à 800 à Sevelnord, ainsi dans la recherche et développement, et qu'on y ajoute les suppressions déjà annoncées, on tombe bien dans cette fourchette. M. Lafaye, qui a précisé avoir reçu mardi un appel de la direction curieuse de savoir d'où il tenait ses chiffres, indique que ces estimations concernent aussi les intérimaires, soit quelque 6 000 personnes.
Interrogés sur ce chiffrage, les autres syndicats du groupe se sont montrés prudents. "On sait que la direction veut renforcer le plan d'économies et donc multiplier les suppressions d'emploi", a ainsi déclaré à l'AFP Bruno Lemerle, représentant de la CGT, premier syndicat dans l'entreprise. Mais, a-t-il ajouté, "je pense qu'on ne pourra pas donner de chiffres avant le 12 juillet, date à laquelle ils vont nous remettre les documents" en vue d'un second CCE prévu le 25 juillet.
Comme son collègue de la CGT, Franck Don (CFTC) a indiqué qu'il ne pouvait confirmer ce chiffre. "On examine les chiffres dans tous les sens, mais on ne sait pas tirer de conclusions", a indiqué de son côté Anne Valleron (CFE-CGC), un autre responsable syndical, jugeant que le chiffre a été "donné pour faire du buzz". "À qui profite le crime ?" s'interroge Mme Valleron. Selon elle, cela peut servir la direction qui "teste le taux de tolérance" à d'éventuelles mesures ou "certains syndicalistes qui, en semant des germes d'inquiétude, peuvent espérer récolter des adhérents". Les actionnaires en tout cas ne s'en plaignent pas : à la Bourse de Paris, le titre du constructeur s'est envolé de plus de 3,5 % après l'annonce du syndicaliste.
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