Créé le 02-07-2012 à 11h08 - Mis à jour à 13h17
Par Sophie Fay
François Hollande avait détaillé ses hausses d'impôts, mais il avait entretenu le flou sur d'éventuelles coupes dans les dépenses...
Mots-clés : rigueur, Hollande, économies, austérité, hausses d'impôts, croissance
> Voir l'infographie ci-dessous : 10 pistes pour faire des économies
La méthode du 50/50
Au total, sur l'ensemble du quinquennat, il faudra trouver une centaine de milliards d'euros. François Hollande ne l'a jamais caché : ces chiffres figurent dans son programme, pour peu qu'on sache lire entre les lignes. Il a même esquissé une méthode : 50/50. Pour retrouver l'équilibre, il augmentera les impôts (voir le détail ci-dessous), et il fera autant d'économies. Soit 50 milliards d'euros, un chiffre qu'il a évoqué le 15 mars sur France 2. L'idée n'est pas de faire des coupes claires dans les budgets, mais de freiner l'évolution des dépenses : à 1,1% par an, au lieu de 1,7% les années précédentes. Si la progression des dépenses publiques est inférieure au rythme de la croissance, chaque année, la situation de l'Etat s'améliore, sans trop de souffrances..."Etre sérieux sur le plan des finances publiques, ce n'est pas un gage dans une négociation européenne, c'est une nécessité en soi", précise Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie. La gauche n'attendra donc pas, comme en 1981, deux ans avant de prendre le tournant de la rigueur. "Cette fois-ci, on est en 1983 dès le lendemain des élections", plaisante un ancien membre du cabinet de Jacques Delors, le ministre de l'Economie à l'époque. Le virage est déjà pris, même si les mots "rigueur" ou "austérité" irritent Jérôme Cahuzac, le ministre délégué chargé du Budget.
"Un effort partagé et juste"
Officiellement, on parle de "redressement". Le terme revient à deux reprises dans la lettre que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a adressée à son gouvernement le 8 juin, pour lancer la préparation du budget pluriannuel 2013-2015 et du projet de loi de finances pour 2013. Il y demande "un effort partagé et juste de maîtrise de la dépense". Et prévient : "Toute nouvelle dépense sera impérativement financée par des économies structurelles et durables." Que les ministres se le tiennent pour dit...Mais où le gouvernement va-t-il trouver de manière "partagée et juste" 50 milliards d'euros d'économies ? "Un séminaire gouvernemental aura lieu à la fin du mois pour réfléchir à cette question", indique Pierre Moscovici. Et l'audit de la Cour des Comptes donnera, début juillet, un état des lieux précis. En réalité, certains ingrédients de la potion amère sont déjà connus. Deux rapports, commandés par François Fillon à l'Inspection générale des Finances (IGF), circulent dans les ministères. Le premier, dévoilé par "les Echos", recense les pistes qui peuvent permettre de ralentir ou de faire baisser les dépenses de l'Etat. Le deuxième, remis il y a quelques jours, explore le même sujet pour la Sécurité sociale. A quoi faut-il s'attendre ?
Comptes sociaux : le principal gisement
L'assurance-maladie, les retraites et les allocations familiales pèsent 47,5% des dépenses publiques (40% pour l'Etat, 21% pour les collectivités locales). Surtout "ce sont celles qui progressent le plus vite",note Thomas Chalumeau, directeur adjoint du think tank Terra Nova. François Hollande s'est engagé à limiter la progression des dépenses de santé à 3% par an. L'Inspection générale des Finances donne de nombreuses pistes de réflexion : rationalisation des hôpitaux, concentration des urgences, révision à la baisse du plan hôpital 2007-2012, maîtrise des tarifs des radiologues, des biologistes ou des marges des pharmaciens, réduction des transports sanitaires... Autre exemple : "Si la consommation de médicaments en France rejoignait celle de la moyenne des pays développés, l'assurance-maladie économiserait 5 à 6 milliards d'euros", assure Terra Nova.La difficulté, "c'est que ce sont des efforts supplémentaires", prévient Philippe Marini, président UMP de la commission des finances du Sénat. "Beaucoup a déjà été fait. Il y a dix ans les dépenses d'assurance-maladie progressaient de 7% par an. Peut-on aller plus loin en maintenant la même carte hospitalière, les mêmes droits pour les assurés sociaux ?" Pas sûr... Certaines prestations pourraient aussi être mieux ciblées et limitées aux familles les plus modestes, comme l'ont fait les Britanniques, pour les allocations familiales notamment. Mais cette piste n'a pas été retenue par le gouvernement pour l'instant.
Etat : encore un effort
Les marges de manœuvre pour réduire les dépenses de fonctionnement de l'Etat sont devenues plus limitées. Mais ses 560 "opérateurs" (Météo France, le CNRS, France Télévisions...) vont être sous haute surveillance. Deux grands champs d'action sont aussi scrutés : les dépenses de personnel (81 milliards d'euros par an) et les politiques publiques. Il faudra jouer sur tous les leviers, estime l'IGF. François Hollande a assuré que les effectifs de l'Etat seraient stables à la fin du quinquennat, malgré la création de 65.000 nouveaux postes pour l'enseignement, la justice et la police. Les autres ministères devront donc se serrer la ceinture et économiser 2,1milliards d'euros par an. Une norme plus sévère pour eux que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, imposé par l'équipe Sarkozy !Et peut-être faudra-t-il aller plus loin : poursuivre le gel du point d'indice, déjà en vigueur depuis deux ans, ou stopper temporairement les avancements. A moins que le gouvernement ne renonce à redistribuer toutes les économies faites grâce aux baisses d'effectifs (550 millions d'euros), une hypothèse très probable... Autre piste évaluée par l'Inspection générale des Finances, geler les pensions des fonctionnaires - payées par l'Etat - pour faire contribuer les retraités à l'effort. Economie potentielle : 700 millions.
L'Etat devra ensuite revoir les dépenses dites "de guichet" (celles dont le paiement intervient automatiquement, dès lors que l'on remplit les critères d'éligibilité : minima sociaux, allocation adulte handicapé, aides au logement...) et ses dépenses dites "discrétionnaires" (comme les contrats aidés, qui viennent d'être doublés, ou les diverses subventions...). L'IGF attire l'attention sur celles dont le compteur tourne trop vite, comme la subvention au régime de retraite de la RATP (60 millions en 2007 ; 552 millions cinq ans plus tard) ou l'Aide médicale d'Etat.
Collectivités locales : la chasse aux doublons
Là, les marges de manœuvre existent : rationalisation des achats, effort sur l'absentéisme, diminution des surfaces de bureaux... "Il y a encore une certaine gabegie par rapport à l'Etat central", assure un fonctionnaire qui a travaillé des deux côtés de la barrière. Les efforts ont d'ailleurs commencé, car l'Etat a gelé - en valeur - les concours qu'il verse chaque année aux collectivités, lesquelles ne peuvent plus emprunter d'argent depuis la faillite de Dexia. Faut-il aller plus loin ? Thomas Chalumeau plaide pour "engager un débat équilibré avec les élus locaux, en posant à plat les causes du dynamisme de la dépense locale depuis 2000". Gérard Collomb, le maire de Lyon, estime, lui, que des économies sont possibles en poussant plus loin la décentralisation. Il assure que le transfert de certaines directions locales de l'Etat vers les régions et les métropoles permettrait de supprimer "entre 26.000 et 45.000 doublons dans la fonction publique". Il ajoute que le rapprochement de certains échelons, comme le département et les métropoles - par exemple le département du Rhône et le Grand Lyon, permettrait d'aller encore plus loin. Le débat est ouvert.La piste de la désindexation
"On n'échappera sans doute pas à des mesures générales", avoue du bout des lèvres Pierre Moscovici. Pour contrôler la dépense, la Cour des Comptes recommande par exemple de supprimer temporairement l'indexation sur les prix des prestations versées par l'Etat ou par la Sécurité sociale, notamment des retraites (hors minima sociaux). En 1983 déjà, au moment du tournant de la rigueur, Pierre Bérégovoy, ministre des Finances, avait mis fin à l'indexation des salaires sur les prix pour casser l'inflation. Cela pourrait bientôt être le tour des dépenses publiques. Le précédent gouvernement a déjà commencé pour les prestations familiales, ou pour le barème de l'impôt sur le revenu. "Cela fait quatre ans que la prime pour l'emploi n'est plus réévaluée, sans que cela provoque de levée de boucliers", note un expert de Bercy.Le sénateur UMP Philippe Marini calcule, lui, que le gel des dépenses de guichet économiserait 700 millions par an, celui des prestations familiales et de retraite, 2,5milliards.
Faudra-t-il en arriver là ? "Si l'on réussit à maîtriser les dépenses de santé et la masse salariale publique, ce ne sera pas forcément nécessaire", estime l'économiste socialiste Karine Berger, qui vient d'être élue députée dans les Hautes-Alpes. "Nous ne cachons pas la dureté de la situation", assume Jean-Marc Ayrault... Sa large majorité est au pied du mur.
LES HAUSSES D'IMPOTS Le 4 juillet, le gouvernement présentera son "collectif budgétaire" pour 2012. Il s'agit d'ajuster le budget Fillon et d'engager la réforme fiscale, qui sera complétée dans la loi de finances pour 2013. Il faudra donc attendre cet automne pour la mise en musique des réformes phares, comme les tranches d'impôt sur le revenu à 45% et 75%, ou la nouvelle taxation du capital. En attendant, le gouvernement a déjà prévu plusieurs milliards de hausses d'impôts ciblées pour réduire le déficit : - retour à l'ancien barème de l'impôt sur la fortune - réduction à 100.000 euros (au lieu de 159.000 euros par parent et par héritier) du seuil d'exonération des droits de succession - délai entre deux donations porté à quinze ans au lieu de dix ans - fin de la défiscalisation des heures supplémentaires - mesures limitant les possibilités d'optimisation fiscale des grandes entreprises (prix de transferts plus transparents, plafond sur les déductions d'intérêts d'emprunt) - hausse du forfait social sur l'intéressement et la participation (de 8% à 20%) - abrogation de la TVA sociale - contribution exceptionnelle imposée aux banques et compagnies pétrolières - prélèvement de 3% sur les dividendes |
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