Éric Verhaeghe
Éric Verhaeghe est l'ancien Président de l'APEC (l'Association pour l'emploi des cadres) et auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012).
Diplômé
de l'ENA (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de
philosophie et d'un DEA d'histoire à l'université Paris-I, il est né à
Liège en 1968.
Il existe deux façons de comprendre la Belgique.
La façon officielle d’abord.
Celle qui prévaut chaque 21 juillet, où des avatars de Stéphane Bern
racontent comment, depuis 180 ans, une famille ducale allemande (les
Saxe-Cobourg Gotha) a porté à son front la couronne de Belgique, à
l’issue d’une révolution démocratique, et a guidé le bon peuple belge
vers la prospérité. Ceux-là ajoutent que, grâce à sa position
centrale et sa neutralité constitutionnelle, la Belgique s’est
naturellement imposée comme le centre de l’Europe, et Bruxelles comme sa
capitale consensuelle.
Dans cette légende, le premier roi des Belges, Léopold Ier, occupe le beau rôle. Et ses descendants aussi.
Mais il existe une version moins racontable, quoiqu’un peu plus objective, de l’histoire de Belgique.
Cette
histoire commence avec l’avancée des troupes romaines durant
l’Antiquité. Celles-ci, dans leur progression vers le nord de l’Europe,
s’arrêtent au Rhin. Les légions de César butent sur le fleuve et
n’arrivent pas à le franchir durablement.
En
l’an 9, Auguste, qui n’imagine pas d’empire qui ne soit de taille
européenne, décide d’ingurgiter le monde germanique dans son espace
politique. Il envoie trois légions, avec le général Varus, pour mater
les peuples de la forêt. La bataille de Teutoburg, où les Germains se
sont rassemblés sous l’autorité d’Arminius, s’achève par une immense
déroute romaine.
Commence alors une période
de dix-huit siècles où le Rhin délimite monde latin et monde germanique.
Et où les territoires de l’actuelle Belgique hésitent en permanence
entre domination franco-latine et influence germanique. Statistiquement,
la Wallonie, francophone, est sous influence allemande. Et la Flandre
sous influence française jusqu’en 1600.
En
1815, après le douloureux épisode bonapartiste, le Congrès de Vienne
décide de créer un glacis au nord de la France pour protéger l’espace
germanique contre toute espérance d’invasion. Ce glacis s’appelle le
Royaume-Uni des Pays-Bas. Il regroupe ce qui devint en 1944 le Benelux.
En
1830, les territoires francophones du Royaume-Uni portent le fer contre
la domination hollandaise, et la Belgique naît. Le Congrès
démocratiquement élu propose le trône au fils de Louis-Philippe, Louis
d’Orléans, duc de Nemours. C’était une façon commode pour les Belges de
demander leur rattachement à la France, ou, en tout cas, d’entériner
leur retour dans la zone d’influence française.
Mais
l’Europe a basculé sous domination germanique. Son centre de gravité
n’est plus à Paris, mais à l’est du Rhin, entre Vienne et Berlin.
La famille d’Orléans refuse d’affronter cet ordre établi et décline la
proposition du Congrès belge. Celui-ci est contraint de solliciter un
petit prince allemand, Léopold de Saxe-Cobourg, beau-frère du tsar, qui
vient de refuser la couronne de Grèce.
L’indépendance de la Belgique ne peut s’entendre que dans une Europe à domination germanique.
Les
thuriféraires de la famille royale belge oublient régulièrement d’en
rappeler la francophobie naturelle et même institutionnelle. Sait-on
par exemple, en France, qu’en septembre 1939, lorsque l’Allemagne
envahit la Pologne, le roi Léopold III déploie immédiatement ses troupes
le long... de la frontière française? Pour éviter un mouvement
militaire français hostile à l’Allemagne.
*
La
Belgique célèbre en ce 21 juillet sa fête nationale, alors que le pays
traverse une période politique complexe sur fond de question unitaire.
Voici un petit retour historique sur notre voisin qui ne s'est pas
toujours comporté comme un ami...
La frite masquée
Si la famille
royale belge avait accepté une intervention franco-anglaise préventive
sur son sol, dès 1939, les troupes allemandes n’auraient pas réussi leur
percée de Sedan, et la face de la guerre en eut été changée.
Cette histoire-là est inconvenante. On ne la raconte pas dans les manuels scolaires.
Ce
qui nous embarrasse aujourd’hui, c’est que le petit marché commun
étriqué qu’on nous présente abusivement comme la réalisation la plus
aboutie d’un projet européen démocratique, s’inscrit parfaitement dans
cette conception d’une Europe dont le centre de gravité se situe à l’est
du Rhin.
Le choix de Bruxelles
comme capitale européenne, par exemple, ne tient pas qu’au hasard de la
géographie. N’oublions jamais qu’en 1516, Charles Quint y fut sacré roi
d’Espagne, et qu’il y abdiqua de son titre d’empereur en 1555. En
réalité, le rayonnement européen de Bruxelles a toujours été lié à la
constitution d’un projet impérial en Europe sous domination germanique,
en opposition à la domination française.
Et
comment ne pas voir que la construction communautaire qu’on imagine
vierge de tout héritage historique n’a pas, au moins inconsciemment,
endossé cette conception de l’ordre européen en choisissant de prendre
ses quartiers officiels dans l’ancienne capitale de Charles Quint?
L’Europe
d’aujourd’hui est fondamentalement germano-centrée, et fondée sur une
représentation de la France faible, amputée et mise sous contrôle
permanent de ses voisins. Que la France essaie de construire
une Union méditerranéenne pour vivre son destin séculaire de puissance
maritime et l’Allemagne la bloque. Que la France essaie de négocier une
politique monétaire accommodante... Et l’Allemagne la bloque. Que la
France essaie de promouvoir une défense européenne indépendante des
Etats-Unis, et la Grande-Bretagne la bloque.
Le
vrai sujet que les Français doivent poser sur leur table le 21 juillet,
c’est celui du bénéfice historique ultime que nous retirons d’un ordre
européen où nous jouons par nature les seconds rôles. D’un ordre
européen construit à Bruxelles, articulé à des logiques de marchés
financiers où la City domine, à des logiques de compétitivité
industrielle où l’Allemagne domine. Tout cela sous le gentil habillage belge avec son humour absurde et sa générosité qui sent la bière et les frites grasses.
Mais
si nous osions une autre Europe, affranchie des complexes de 1815 ? Une
Europe dont l’objectif ne se limite pas à assurer la prospérité des
financiers londoniens et des industriels allemands?
***
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Oublions Napoléon (comme Hitler sans l'holocauste) ou la barbarie des généraux français de la première guerre mondiale.
La Belgique est ce qu'elle est. Heureusement elle a été peu influencée par le modèle français...
Aujourd'hui, la Belgique et la Wallonie sont vraiment des contraires dans beaucoup de domaine. La proximité existe surtout par l'usage d'une langue commune...
Il m'a rappelé les exactions de mr de Turenne (ce grand homme) dans le palatinat...
1) la mémoire collective (peut être soutenue par des factions politiques) s'en souvient et cela a longtemps généré une haine de la France.
2) comment se fait il que toi, lorrain, ne connaisse pas les dépradations commises par les LOUIS 13 ET 14 dans ta région
...........
Réponse : l'histoire de France est édulcorée ... à l'école on nous a dit la Lorraine a TOUJOURS été française (le toujours commence en 1767)
preuve ? on parle français en Lorraine (il y avait 183 dialectes locaux en 1880, époque de Jules Ferry, mais les gens se comprenaient)
On attend vos sources et des exemples...
Visiblement, les études ne conduisent pas toujours à l'intelligence."
Je pense et je parle pour ma paroisse de fille du Nord, que l'auteur a voulu relever les caricatures que l'on veut bien donner à la Belgique. Et qui servent effectivement à cacher une réalité plus dérangeante.
Moi par exemple je n'ai jamais été voir le film les chtis. Je ne me retrouve pas du tout dedans . Certes c'est une comédie mais bon construction d'une région pleine de clichés.
Qui a dit que les gens du nord sont tous sympas, accueillants et honnêtes à en être benêts. Pas moi et pas non plus certaines administrations qui soulèvent des escroqueries aux prestations familiales et de la délinquance en hausse. Sans compter les trafics en tout genre. Et il y a du racisme aussi, ne le cachons pas.
Cela est valable pour beaucoup de pays.....comme les USA.
On plaque en avant des symboles d'hyper puissance, mais la réalité est bien différente.
Mais que dire de la formule "…gentil habillage belge avec son humour absurde et sa générosité qui sent la bière et les frites grasses".
Insulter tout un peuple avec des formules de ce genre constitue non pas une faute professionnelle mais une faute d'homme, et qui discrédite totalement l'article, la personne et le site qui publie.
Visiblement, les études ne conduisent pas toujours à l'intelligence.